Nationalité

Allemande (1912–1955), Américaine (1955–1977)

Diplôme

École polytechnique fédérale de Zurich

Renommé pour

Missile à ergols liquide V2, Lanceurs Saturn (Apollo)

Dates

23 mars 1912, à Wirsitz (Pologne)
16 juin 1977, à Alexandria (USA)

Pionnier de l'astronautique dans les années 1930, il rallie en 1932 le département balistique de la Direction des Armements dirigée par W. Dornberger pour poursuivre ses recherches. Il joue un rôle déterminant dans la conception et la réalisation de la fusée à carburant liquide V2 qui constitue une avancée majeure par rapport à toutes les fusées développées jusque-là. Ce missile balistique sera utilisé vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il accepte à l'époque sans remords manifeste que ses fusées soient construites par les déportés du camp de l'usine souterraine de Dora-Mittelbau qui meurent par milliers. Lui et deux de ses confrères avaient déjà été incarcérés durant deux semaines en mars-avril 1944, sur ordre de Himmler, pour désagrégation du potentiel militaire et défaitisme.
Récupéré après la défaite allemande avec d'autres scientifiques allemands de premier plan par les forces américaines dans le cadre de l'opération Paperclip, il dirige une équipe d'ingénieurs allemands qui développe les missiles balistiques de l'Armée de Terre américaine. Lorsque la course à l'espace est lancée à la fin des années 1950, il devient un des principaux responsables de l'agence spatiale américaine (NASA) et, à ce titre, il développe la famille de fusées Saturn qui permettront le lancement des missions lunaires du programme Apollo.

Enfance

Wernher von Braun nait à Wirsitz (aujourd'hui en Pologne) dans la province de Posnanie qui faisait à l'époque partie de l'Empire allemand. Il est le deuxième des trois fils d'une famille de l'aristocratie allemande portant le titre de baron (Freiherr). Le père Magnus Freiherr von Braun (1878–1972) est un haut fonctionnaire qui fera partie du cabinet du ministère de l'Agriculture sous la République de Weimar. La mère Emmy von Quistorp (1886–1959) a une longue ascendance aristocratique. Elle reçu une éducation primaire et secondaire de bonne qualité, notamment encouragée par son père. Elle s'était passionnée pour les sciences naturelles. Elle lui offre son premier télescope.

Pionnier de l'astronautique

Comme pour les autres précurseurs de l'astronautique, sa passion pour cette discipline naît de la lecture des écrits et calculs de Constantin Tsiolkovski. Doué en mathématiques, von Braun fait ses études à l’École polytechnique fédérale de Zurich et à l'Université technique de Berlin (l’Institut Kaiser-Wilhelm), tout en consacrant ses loisirs, à partir de 1930, à construire et à expérimenter de petites fusées au sein d'une équipe réunie par le précurseur Hermann Oberth (Verein für Raumschifffahrt : « Association pour les voyages dans l'espace »). Les expérimentations ont lieu à Reinickendorf, sur un terrain de cent cinquante hectares, qu'ils baptisent Raketenflugplatz (« aéroport de fusées »).
À partir de 1929, la Reichswehr commence à s'intéresser aux fusées ; elle crée un « Bureau des engins balistiques spéciaux » rattaché à la direction de l'armement, dirigé par le colonel Karl Becker et le capitaine Walter Dornberger.
Au printemps 1932, trois hommes arrivent à Reinickendorf afin de s'informer sur l'état d'avancement des prototypes réalisés. Ils s'agit du colonel Karl Becker, du capitaine Walter Dornberger et du capitaine Ernst, chevalier von Horstig. Tous trois appartiennent au Service de l'armement de la Reichswehr. Le terrain de Reinickendorf n'étant pas approprié pour un test sérieux de la fusée à combustible liquide « Mirak », ce test est réalisé plus tard sur le champ de tir de l'armée, à Kummersdorf3. L'essai est un échec, la fusée se désintègre après un départ prometteur. Mais le colonel Becker reconnaît le potentiel de l'engin4.

Au service de l'armée allemande

En juillet 1932, von Braun, tout juste diplômé ingénieur de l'Université technique de Berlin, accepte l'offre de l'armée, qui lui permet de poursuivre ses recherches avec des moyens plus importants ; il est nommé responsable du centre de Kummersdorf-West, où il entreprend une série d'expériences sur les propulseurs à carburant et comburant liquides.
Le 16 avril 1934, il remet sa thèse de doctorat sur la propulsion des fusées, intitulée Solutions théoriques et expérimentales au problème des fusées propulsées par des carburants liquides. Technique des fusées et recherche dans le domaine du vol spatial. Classée confidentielle, elle n'est publiée qu'en 19605. Longue, et périlleuse, avec les matériaux de l'époque, la mise au point d'un moteur-fusée à propergols (carburant et comburant) liquides est menée en collaboration avec le Dr. Thiel.
En 1934, Wernher von Braun lance de l'île de Borkum, en mer du Nord, deux exemplaires (Max et Moritz) de la fusée A2 (Aggregat 2)6 dont le moteur développe une tonne de poussée. Elles atteignent l'altitude de 2 200 mètres.
En août 1935, le groupe de Von Braun reçoit 5 millions de marks de la Luftwaffe et 6 millions de l'armée pour développer un moteur-fusée.
Début 1936, Von Braun se rend sur la côte de la Poméranie à la recherche d'un terrain d'essais pour fusée ; il le trouve à Peenemünde, dans l'île d'Usedom. L'équipe de Von Braun a besoin d'un terrain au bord de la Baltique pour tirer le long des côtes et installer des bases de mesure. Le 2 avril 1936, lors d'une conférence, la décision d'acquérir le terrain d'Usedom est entérinée. Le soir même, le maire de la commune signe l'acte d'achat qui comprend le déplacement des habitants. La construction du centre d'essais démarre en avril 19367.

La mise au point du missile balistique V2

En 1937, toujours pour obtenir davantage de moyens, il intègre le parti nazi. Von Braun reconnaîtra après guerre avoir personnellement rencontré Hitler à trois reprises : la première fois au centre d'essais de Kummersdorf en 1934, et deux autres fois à Berlin au cours de l'année 19428. Il est nommé directeur technique du centre d'essais de Peenemünde et assure entre 1939 et 1942 la mise au point de la fusée A4 (Aggregat 4), plus connue sous le nom de V2, avec un V pour Vergeltungswaffe (« arme de représailles »), dont 4 000 exemplaires seront lancés principalement sur l'Angleterre (Londres), la Belgique (Anvers) et les Pays-Bas (la Haye) en 1944 et 1945.
Adulé par le régime — Hitler voit en lui le type du surhomme aryen — il est promu trois fois par Himmler, la dernière fois, en juin 1943, comme SS-Sturmbannführer[réf. nécessaire]. En 1943, Hitler donne la priorité absolue au programme des fusées A4. La fabrication des V2 s'intensifie et leur construction commence à utiliser des déportés des camps de Dora-Mittelbau et Buchenwald. Von Braun appartient à l'équipe dirigeante des spécialistes des fusées, supervisant les ingénieurs, les travailleurs civils et les déportés de Dora.
La fabrication des V2 fera plus de morts (plus de 20 000 prisonniers ont perdu la vie à Dora) que leur utilisation comme arme9. Dans son livre autobiographique, Wernher Von Braun n'admet pas de responsabilité, minimisant sa position dans le camp. Il affirmera toujours n'avoir rien su de la souffrance des déportés et des morts de Dora-Mittelbau. D'après le Hollandais Albert van Dijk, survivant du camp, cette ignorance est invraisemblable.
Dans De l'Université aux camps de concentration, Charles Sadron10, scientifique déporté à Dora en février 1944, a écrit, concernant Wernher von Braun : « Je dois, cependant, satisfaire à la vérité en signalant que j'ai rencontré un homme qui a eu, vis-à-vis de moi, une attitude presque généreuse. Il s'agit du Professeur von Braun, l'un des membres de l'état-major technique qui mit au point les torpilles aériennes. Von Braun est venu me voir à l'atelier. C'est un homme jeune, d'aspect très germanique, et qui parle parfaitement le français. Il m'a exprimé, en termes courtois et mesurés, son regret de voir un professeur français dans un tel état de misère, puis il m'a proposé de venir travailler dans son laboratoire. Certes, il ne peut être question pour moi d'accepter. Je refuse brutalement. Von Braun s'excuse et sourit en s'éloignant. J'apprendrai plus tard qu'en dépit de mon refus il aura essayé quand même plusieurs fois d'améliorer mon sort, en vain d'ailleurs. »
Lorsque Charles Sadron parle de son « atelier », il s'agit des tunnels dans lesquels travaillaient, vivaient dans des conditions inhumaines et mouraient beaucoup de déportés.